Jean-Jacques Lebel, Jerome Rothenberg, Allen Ginsberg leggono il testo della macchina
(Centre Pompidou, Paris, 1994)

GINSBERG / FLASH / GINSBERG /
FLASH / GINSBERG / FLASH


Qui n’a pas lu et relu les écrits d’Allen Ginsberg risque de se priver d’un des points de vue les plus éclairés et éclairants sur l’accouplement, plus souvent belliqueux que paisible, qui permet à la parole humaine de se frotter au Réel. Si vous avez entendu Ginsberg dire ou chanter ses textes, en direct et en public, au cours de ses incessantes tournées en Europe, en Asie, en Australie et d’un bout à l’autre des Ameriques, vous avez, vous aussi, constaté la maîtrise avec laquelle il sculptait, projetait et spatialisait le corps de sa poésie. Sur le mode d’un saxophoniste de jazz ou d’un shaman, pas sur le mode d’un “cul de plomb” littéraire. Ce n’est ni le lexique ni la métrique, disait il souvent, mais le souffle, le rythme vital de la respiration profonde qui constitue la matière première de l’expérience poétique.
Quiconque n’a pas eu la chance de l’entendre, en chair et en os, pourra, faute de mieux, se rebattre sur les nombreux enregistrements de sa voix pilsée par des musiciens tels que Bob Dylan, Phil Glass ou Ornette Coleman (l’inventeur du Free Jazz).

Ce n’est pas par hasard si la Beat Generation est née en même temps que le Free Jazz, le Living Theatre, le Junk Art, le mouvement pour les droits civiques et antimilitariste. Ce n’est pas un hasard si beaucoup des protagonistes de ces courants-là, ainsi que Jackson Pollock et Willem de Kooning, fréquentaient les mêmes lieux (le Cedar Tavern et les boîtes de jazz). Toutes ces différentes composantes ont fondé ce qu’il était convenu d’appeler une contre -culture , une schize collective.

La production visionnaire de Ginsberg ne se différencie pas seulement des littératures universitaires, convenues et bien pensantes par ses contenus, mais bousculée par des prélèvements sur le vif du quotidien, elle s’en différencie aussi et surtout par sa matérialité sonore et énergétique. Ses objectifs sont extralittéraires ou supralittéraires: il cherche à donner forme audible et visible aux flux surgissant de l’être psychique collectif (l’eggregore). L’essentiel de l’oeuvre de Ginsberg relève de ce processus-là, même si le personnage public - que ses collègues jaloux et amers ont vilipendé - a été parfois trop enclin à s’accomoder du Star System. Ce personnage public, d’ailleurs, n’était pas indifférent. L’image s’est forgée dès le procès en obscénité intenté, en 1957, à San Francisco, à Ferlinghetti, l’editeur du chef-d’oeuvre de Ginsberg, Howl . Cette image “scandaleuse” s’est amplifiée dans les années 60 et 70, avec l’activisme militant déployé par Ginsberg contre la guerre du Vietnam, l’industrie nucléaire, le racisme et l’extrême-droite. Il a milité davantage encore en faveur d’autres causes qui lui étaient chères: l’Institut Naropa (qu’il fonda, dans le Colorado), la défense du peuple tibétain colonisé et massacré par l’armée chinoise, la liberté totale d’expression pour tous, les droits des minorités raciales ou sexuelles. Ses nombreuses interventions médiatiques dans ce sens ne constituaient, pour lui, que des intermèdes mais, cependant, c’est autour de ce personnage public que les malentendus et les agressivités se sont cristallisés à l’exces.

Selon quelqu’un qui s’y connaît, Bob Dylan,

Ginsberg est à la fois tragique et dynamique, un génie lyrique, un extraordinaire filou et probablement l’influence la plus importante sur la voix poétique américaine depuis Whitman.

Par contre, selon Alain Bosquet, un des littérateurs animés de ressentiment envers les “beatniks”:

Leur révolte était directe et sans nuance: à bas l’Amerique de la guerre froide et du maccarthysme; vivent la drogue, l’errance, l’improvisation, l’homosexualité. Ainsi naissait la Beat Generation avec d’inouïes prétentions. La poésie d’Allen Ginsberg ne serait jamais qu’un tissu d’eructations, d’imprécations, d’injures sans style: oui, un tract ininterrompu.

Qui a tort, de l’auteur de Blowin’ in the Wind ou de la vieille chipie journalistique du Figaro? Peu importe, d’ailleurs, car il vaut mieux éviter de perdre du temps avec ces heurts frontaux; ces matchs de rugby idéologiques entre courants artistiques, politiques ou sexuels divergeants qui tendent,machinalement, à s’exclure mutuellement. Les aperçus de Gilles Deleuze concernant les lignes de fuite pratiquées par les poètes de la Beat Generation sont d’une pertinence bien supérieure.

Ginsberg a toujours cherché à dissoudre les illusions, les murs de la parano, les idèes reçues, les erreurs de perception avec ce qu’il appelait sa candeur absolue. Pour lui, l’acte poétique consistait à saisir au passage - à même la vie et au rythme du souffle - la candeur spontanée du premier jet.

Il avait le sens aigu de l’Autre et penchait toujours du côté de l’amitié, voire de la tribu, comme l’attestent les magnifiques portraits photographiques qu’il a fait de ses amis tout au cours de ses voyages (exposés l’an dernier à Venise et à Turin et, récemment encore, la séance de poésie avec ses vieux complices des années cinquante, Corso, Huncke et Ornette Coleman à l’occasion du film tourné par Brigitte Cornand pour Canal Plus. Sa candeur, parfois, choquait les puritains. Lors d’un Festival POLYPHONIX, à la Cinémathèque Française, en 1993, il lut tranquillement un poème intitulé Trou du Cul (une sorte d’état des lieux, de reportage, loin du baroquisme des superbes sonnets que Quevedo et Rimbaud ont consacrés à cet organe satanique, mais non dénué d’une grandeur minimaliste). Imaginez les commentaires que ce poème aurait pu inspirer aux idéologues du Figaro ! Lors d’une de ses dernières interventins à Paris, en 1995, il partecipa au Monument à Félix Guattari au Beaubourg et y chanta CIA Calypso (puissante dénonciation du trafic d’heroïne perpétré par les services secrets américains en Asie et aux Caraïbes). Ce n’est pas avec ce genre de poésie qu’on entre à l’Académie, quelle qu’elle soit! Il partageait avec William Blake, Walt Whitman et certains autres, une horreur prononcée pour les normes.

Il est parti avec discrétion et légèreté. Son décès a donné lieu à une cérémonie funèbre bouddhiste à New York, célébrée dans la stricte intimité (par Patti Smith et quelques proches). En bouddhiste pratiquant, il regardait la mort en face depuis toujours. Parfois même avec une certaine allégresse, comme à l’occasion de la disparition de son père, le poète Louis Ginsberg, à qui il dédia Father Death Blues . La danse macabre ne lui faisait donc peur.

Lors de ses premiers séjours à Paris, dès 1957 et 58, avec Corso, Burroughs et Gysin, au Beat Hotel de la rue Gît-le Coeur (à deux pas de chez Henry Michaux qui habitait rue Séguier), Ginsberg rédigea d’importants poèmes, notamment Death to Van Gogh’s Ear , The Lion for Real et At Apollinaire’s Grave - longue lettre affectueuse adressée à l’auteur du Poète Assassiné au Père Lachaise - qui se termine ainsi

... ma cigarette fume sur mes genoux et emplit les pages
de fumée et de flammes
une fourmi court sur ma manche de velours l’arbre sur
lequel je m’appuie pousse avec lenteur
buissons et branches surgissant à travers les tombes une
tolle d’araignée argentée brille sur le granite
je suis enterré ici et je m’assieds à côté de ma tombe
sous un arbre.


Jean-Jacques Lebel
Paris 10 avril 1997
Chi non ha letto e riletto gli scritti di Allen Ginsberg rischia di privarsi d’uno dei punti di vista tra i più illuminati e illuminanti sull’accostamento, più spesso bellicoso che pacifico, che permette al linguaggio umano di mettersi in attrito col Reale. Se voi avete udito Ginsberg dire o cantare i suoi testi, in diretta e in pubblico, durante i suoi interminabili giri in Europa, Asia, Australia e da un capo all’altro delle Americhe, allora anche voi avrete certamente constatato la maestria con la quale egli scolpiva, proiettava e spazializzava il corpo della sua poesia. Sullo stile d’un sassofonista di jazz o d’uno sciamano, non coi modi di un “cul de plomb” letterario. Non è né il lessico né la metrica, diceva spesso Ginsberg, ma il soffio, il ritmo vitale della respirazione profonda che costituisce la materia prima dell’esperienza poetica. Chiunque non abbia avuto la fortuna di ascoltarlo, in carne e ossa, potrà, in mancanza di meglio, rifarsi alle numerose registrazioni della sua voce “soffiate” da musicisti quali Bob Dylan, Phil Glass o Ornette Coleman (l’inventore del Free Jazz).

Non è un caso che la Beat Generation sia nata contemporaneamente al Free Jazz, al Living Theatre, alla Junk Art, al movimento per i diritti civili e a quello antimilitarista. Non è un caso che molti dei protagonisti delle correnti anzidette, così come Jackson Pollock e Willem de Kooning, frequentassero gli stessi luoghi (la Cedar Tavern e i locali dove si faceva jazz). Tutte queste componenti diverse hanno gettato le basi di ciò che poi fu chiamata per convenzione una contro-cultura, una mutazione collettiva.

La produzione visionaria di Ginsberg non si differenzia soltanto dalla letteratura universitaria, convenzionale e benpensante per i suoi contenuti, nella nobile stirpe dei salmi ebraici e buddisti, ma scossa da asportazioni sul vivo del quotidiano, essa se ne differenzia soprattutto per la sua materialità sonora ed energetica. I suoi obiettivi sono extraletterari o sopraletterari: egli cerca di dar forma udibile e visibile ai flussi che sgorgano dall’essere psichico collettivo. L’essenziale dell’opera di Ginsberg prende corpo da questo processo, anche se il personaggio pubblico - che i suoi colleghi gelosi e maligni hanno vilipeso - è stato talvolta troppo incline ad adattarsi allo Star System. Questo personaggio pubblico, del resto, non era antipatico. L’immagine s’è forgiata a partire dal processo per oscenità intentato, nel 1957, a San Francisco, a Ferlinghetti, l’editore del capolavoro di Ginsberg, Howl . Quest’immagine “scandalosa” si è amplificata negli anni 60 e 70, con l’attivismo militante ostentato da Ginsberg contro la guerra del Vietnam, l’industria nucleare, il razzismo e l’estrema destra. Egli ha militato ancora per altre cause che gli erano care: l’Istituto Naropa (che fondò nel Colorado), la difesa del popolo tibetano colonizzato e massacrato dall’esercito cinese, la libertà totale d’espressione per tutti, i diritti delle minoranze razziali o sessuali. I suoi numerosi interventi mediatici in questo senso non costituivano, per lui, che degli intermezzi ma, tuttavia, è attorno a questo personaggio pubblico che gli equivoci e le aggressività si sono cristalizzati all’eccesso.

Secondo qualcuno che se ne intende, Bob Dylan,

Ginsberg è allo stesso tempo tragico e dinamico, un genio lirico, uno straordinario mascalzone e probabilmente l’influenza più importante sulla voce poetica americana dopo Whitman.

Invece, secondo Alain Bosquet, uno dei poveracci animati da risentimento verso i “beatniks”:

La loro rivolta era esplicita e senza sfumature: abbasso l’America della guerra fredda e del maccartismo; vivono la droga, il vagabondaggio, l’improvvisazione, l’omosessualità. Così nasceva la Beat Generation con pretese inaudite. La poesia di Allen Ginsberg non è altro che un tessuto di rutti, bestemmie, offese senza stile: sì, un tratto ininterrotto.

Chi ha torto, l’autore di Blowin’ in the Wind o la vecchia megera giornalistica del Figaro? Poco importa, del resto, perché è meglio evitare di perdere tempo con questi scontri frontali, questi incontri di rugby ideologici tra correnti artistiche, politiche o sessuali divergenti che tendono, meccanicamente, a escludersi a vicenda. Le intuizioni di Gilles Deleuze riguardanti le linee di fuga praticate dai poeti della Beat Generation sono d’una pertinenza ben superiore.

Ginsberg ha sempre cercato di dissolvere le illusioni, i muri della paranoia, le idee precostituite, gli errori di percezione con quello che lui chiamava il suo candore segreto. Per lui, l’atto poetico consisteva nel cogliere al passaggio - direttamente nella vita e al ritmo del soffio - il candore spontaneo del primo zampillo.

Egli aveva il senso acuto dell’Altro ed era sempre dalla parte dell’amicizia, della tribù, come attestano i magnifici ritratti fotografici che ha fatto ai suoi amici nel corso dei suoi viaggi (esposti l’anno scorso a Venezia e Torino) e, ultimamente, le sedute di poesia coi suoi vecchi complici degli anni cinquanta, Corso, Huncke e Ornette Coleman in occasione del film girato da Brigitte Cornand per Canal Plus. Il suo candore, talvolta, shoccava i puritani. In occasione di un Festival POLYPHONIX, alla Cinémathèque Française, nel 1993, egli lesse tranquillamente un poema intitolato Buco del Culo (una sorta di stato dei luoghi, di reportage, lontano dal barocchismo dei superbi sonetti che Quevedo e Rimbaud hanno consacrato a questo organo satanico, ma non privo di una grandezza minimalista). Immaginate i commenti che questo poema avrebbe potuto ispirare agli ideologi dell’Osservatore Romano! Durante uno dei suoi ultimi interventi a Parigi, nel 1995, partecipò al Monument à Felix Guattari al Beaubourg e lì cantò CIA Calypso (potente denuncia del traffico d’eroina perpetrato dai servizi segreti americani in Asia e ai Caraibi). Non è con questo genere di poesia che si entra all’Accademia, qualunque essa sia! Egli divideva con William Blake, Walt Whitman e qualcun’altro, un orrore spiccato per le norme.

Se n’è andato con discrezione e leggerezza. La sua morte ha dato luogo a una cerimonia funebre buddista a New York, celebrata nella più stretta intimità (da Patti Smith e qualche stretto congiunto). Come buddista praticante egli guardava la morte in faccia da sempre. Talora anche con una certa allegria, come nell’occasione della morte di suo padre, il poeta Louis Ginsberg, al quale egli dedicò Father Death Blues. La danza macabra non gli faceva dunque paura.

Al tempo dei suoi primi soggiorni a Parigi, dal 1957 e 58, con Corso, Burroughs e Gysin, al Beat Hotel della rue Gît-le-Coeur (a due passi dalla casa di Henri Michaux che abitava in rue Séguier) Ginsberg compose importanti poemi, e, in modo particolare, Death to Van Gogh’s Ear, The Lion for Real e At Apollinaire’s Grave - lunga lettera affettuosa indirizzata all’autore del Poète Assassiné, al Père-Lachaise - che termina così

...la mia sigaretta fuma sulle mie ginocchia e riempie le pagine
di fumo e fiamme
una formica corre sulla mia manica di velluto l’albero sul
quale io mi appoggio spinge con lentezza
cespugli e rami che sorgono attraverso le tombe una
ragnatela argentata brilla sul granito
io sono interrato qui e mi siedo accanto alla mia tomba
sotto un albero.



Jean-Jacques Lebel
Parigi 10 Aprile 1997



traduzione di

Gianni Actis Barone

Jean-Jacques Lebel Autéur de l’Anthologie de la Beat Generation (Ed. Denoël, 1966), premier traducteur de Ginsberg en français, proche du poête depuis les années 50, Jean Jacques Lebel, écrivain et artiste, a organisé de nombreuses soirées de poésie directe avec Allen Ginsberg.

Jean-Jacques Lebel Autore de l’Antologia della Beat Generation (Ed. Denoël, 1966), primo traduttore di Ginsberg in francese, vicino al poeta fin dagli anni 50, Jean Jacques Lebel, scrittore e artista, ha organizzato numerose serate di “poésie directe” con Allen Ginsberg.

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